Innover pour mieux vivre avec un/des handicaps

26 mai 2024 à 23h20 par Marie Luthringer

La douzième édition du challenge Handicap et Technologie 2024 s’est déroulée ce jeudi 23 et vendredi 24 mai à l’Ecole Nationale d’Ingénieurs de Metz. 200 étudiants issus de différentes écoles d’ingénieurs et des chercheurs présentent leurs projets, pour venir en aide aux personnes ayant des handicaps physiques, mentaux ou invisibles.

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Crédit : Marie Luthringer

Dans la grande salle d’exposition de l’ENIM 200 cerveaux fulminants d’idées dans 80 stands, au total présentent leur innovation technologique pour mieux accompagner les personnes atteintes de handicap dans leur autonomie, leur insertion dans la société. L’association Challenge Handicap et Technologie se soucie de mettre en avant les technologies de l’ENIM, les projets des associations, mais aussi d’échanger avec des industriels sur un produit exposé, afin de le commercialiser.

Un travail de longue haleine

Un an, c’est la durée qu’il faut pour organiser cet événement. Depuis septembre, Romuald Stock, enseignant chercheur, maître de conférence à l’ENIM, et président de l’association contacte et relance les universités. Il réalise aussi des appels à projets, pour que les étudiants de toute la France se déplacent à Metz. « La majorité viennent surtout de la région et de Paris. On aimerait bien que des étudiants d’autres régions puissent se déplacer », affirme-t-il.

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Crédit : Marie Luthringer

Traiter tout type d’handicap

L’enjeu pour ces étudiants et chercheurs : n’exclure aucune forme d’handicap. Alors, ces derniers se mobilisent sur différents fronts.  Julia Moreaux est étudiante en art et métier de Metz, en alternance ingénieur. Derrière son stand, Julia fait découvrir au public ses orthèses en nylon 12 qu’elle a fabriqué elle-même. Des appareils orthopédiques qui permettent de soutenir des parties du corps qui dysfonctionnent. Julia expose des orthèses sur mesures pour les doigts et les orteils « adaptées à  tout le monde ». Julia a réalisé cela à l’aide d’un scanner 3D. Un projet personnel réalisé à  côté de sa formation. L’idée part toutefois de l’entreprise dans laquelle Julia travaille, «qui vend des scanners 3D. Je voulais ouvrir un secteur d’activité dans le biomédical. Alors, j’ai fait le lien entre les deux et l’idée m’est venue de ça », explique-t-elle.

Sur un autre stand, quelques personnes viennent jouer à des petits jeux qu’a préparés Constance, venue de Paris. Elle est étudiante en master technologie et handicap à l’Université Paris 8. Des animations qui sont destinés à des séances d’ergothérapie. « J’ai remarqué que dans la rééducation après un AVC, par exemple, on manque d’outils et d’activités pour stimuler certaines parties du corps », explique-t-elle. Sur un ordinateur, il suffit de déplacer une petite calculatrice qui est à l’affût de calculs justes. Un jeu qui permet de gagner des points mais aussi de « rééduquer le cou, les avant-bras ou le cerveau ». Un autre jeu, permet de retrouver l’équilibre des jambes, en se tenant sur une planche. Le balancement de la planche permet de récolter le plus de fleurs possibles, qui tombent du ciel. Un concept qui a déjà été testé sur 1000 personnes à la Cité des Sciences de Paris.

 

 

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Crédit : Marie Luthringer

En s’avançant après plusieurs stands, certaines personnes peuvent faire la connaissance de Gaëlle, connue aussi sous son nom d’artiste Xaviere de France. Derrière le slogan, de l’association Noa, « devant le handicap il y a un visage », Gaëlle, atteinte de trouble autistique, a dessiné le visage, symbole de l’association, sur chaque porte-clés. Ce visage est la signification du « repos » et du « secours ». Ces porte-clés n’ont pas qu’une fonction décorative. A l’arrière de chacun d’entre eux, un QR Code, est à scanner. Ces derniers renvoient sur une page, qui permet aux personnes étant autistes de communiquer plus sereinement, dans l’espace public ou privé. « Bonjour, je suis une personne autiste, j’ai besoin d’aide. Parle-moi lentement et pose-moi des questions simples où tu peux répondre par oui ou non. Isole-moi dans des lieux moins bruyants ». Des messages à caractère urgents. La langue s’adapte en fonction du pays dans laquelle la personne se trouve.

Pour Gaëlle, cette idée a germé d’un  « besoin de s’exprimer en cas de crise ». Celle-ci constate encore qu’en France « on a trente ans de retard par rapport aux Etats-Unis, ou par rapport à la Belgique. Des enfants autistes sont encore sortis du système scolaire alors qu’ils pourraient y rester si quelques adaptations, liées au handicap étaient proposées », explique-t-elle. Son projet a été présenté à l’Agence régionale de santé (ARS) qui est favorable au développement du concept. Une réalisation qui ne serait pas simplement étendu à l’autisme mais aussi à d’autres formes d’handicap.

 

En naviguant encore à travers les stands, le public peut rencontrer Antoine, étudiant à l’IUT Nancy Charlemagne de Nancy. Il travaille dans un fablab, un laboratoire de fabrication pour réalité augmentée pour enfant autiste. Antoine s’en rappelle encore lorsque son idée a germé. « Avec un artiste plasticien, on a travaillé sur un hologramme de statues que l’on peut retrouver dans des musées, et que l’on peut manipuler digitalement ». Pendant plusieurs mois, ce dernier réalise le design et la conception d’hologramme de statues, visibles dans un casque de réalité augmentée. Des statues gréco-romaines qui sont déplaçables dans le métavers, en pinçant simplement le pouce et l’index. Cela permet aux personnes autistes de pouvoir se préparer à suivre une visite guidée dans un musée, en repérant et en jouant avec des statues de réalité augmentée.

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Crédit : Marie Luthringer
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Crédit : Marie Luthringer

1 projet sur 9 se concrétise dans ce domaine

Un constat qui peut faire peur. Toutefois, Pierre Chevrier, directeur de l’ENIM Metz précise que cela « dépend du degré de complexité d’un projet. Les exosquelettes aboutiront plus rapidement à des solutions, par rapport à des innovations liées à la neurochirurgie ».

Cependant, les industriels sont « frileux » de ces systèmes. « On parle beaucoup du RSE mais tout n’est pas rose, il y a encore des progrès à faire », ajoute Romuald Stock.

Toutefois, Pierre Chevrier reste « optimiste car il ne faut pas baisser les bras. Les associations ont besoins d’être aidées, accompagnées ». Une vision que rejoint Romuald Stock car aujourd’hui « tout le monde peut numériser et scanner des systèmes, notamment pour les petites start-up. Il faut juste avoir l’idée et l’envie de le faire ».

Pierre Chevrier, au micro de Direct FM pour Marie Luthringer
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