GHB, piqûres : le collectif féministe la Grenade se mobilise pour alerter sur la soumission chimique

27 juin 2022 à 17h45 par Joscelyn Lapart

La Grenade, un collectif féministe, milite en collant des affiches dans les rues et les bars de Metz. Leur objectif est d'alerter sur la soumission chimique, qui consiste en l’administration à des fins criminelles ou délictueuses de substances psychoactives à l’insu de la victime, et de dénoncer le manque de mesures pour endiguer le phénomène.

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C’est la hantise des femmes en soirée ! Au bar ou en boîte de nuit, la peur d’être drogué à son insu est omniprésente. Plusieurs affaires d’agressions et de viols impliquant l'usage de drogues ont récemment agitées l’actualité, et en particulier les piqûres en festival comme lors de la fête de la musique de Nancy. Cette situation provoque une prise de conscience dans la société. Elle soulève également de nombreuses questions sur la prévention et la prise en charge des victimes. Nous avons donné la parole au collectif La Grenade qui est à la pointe du combat sur le territoire mosellan.

[PODCAST] Servane, membre du collectif La Grenade :

L’action de la Grenade 

 

Depuis quelque temps, le collectif féministe et militant La Grenade entreprend des campagnes d’affichage pour dénoncer la soumission chimique. Pour Servane, fondatrice du collectif, se mobiliser était une nécessité. 

 

Les membres du collectif collent des slogans évocateurs dans les rues de la ville, et proposent également des affiches aux bars de Metz. « C’est important que les établissements soient sensibilisés sur la question, s’ils ne le sont pas encore. Qu’ils essaient dans la mesure du possible de prendre certaines mesures. De former le staff, d’avoir certains réflexes comme ne pas laisser le verre sur le bar et de le donner directement à la personne concernée », explique-t-elle.

 

L’idée est de sensibiliser la clientèle tout en fournissant des informations de première nécessité pour les victimes, tout en rappelant que « la première soumission chimique c’est l’alcool ». 

 

La réaction des établissements 

   

L'initiative a été accueillie de manière positive par la majorité des bars consultés. « Dans deux ou trois endroits on m’a dit dans les toilettes des filles. J’ai dû dire “oh bah non”, le but c’est que tout le monde le voit. On a négocié pour le mettre au moins dans le commun des toilettes, dans un lieu où tout le monde passe », précise Servane.

 

Une exception est à noter. Un employé a accepté d’accrocher une affiche avant que son patron ne l’arrache le lendemain. « Pourquoi refuser ça ? », s’indigne la membre du collectif. « Les visuels n’ont rien de choquant. Est-ce que ça veut dire que je ne veux pas effrayer les potentiels violeurs ? », fulmine-t-elle, nous confiant son sentiment de dégoût et dénonçant une forme de complicité passive. 



La soumission chimique : un phénomène ancien 

 

« Il était temps de crever l'abcès et de libérer la parole » affirme Servane. L’attention médiatique et l’action des divers collectifs a permis de libérer la parole. L’impact du phénomène sur la qualité de vie des femmes est extrêmement important. Les lieux festifs comme « les bars, les festivals, les fêtes, les endroits dans lesquels on va normalement pour passer du bon temps » deviennent sources de dangers, d’angoisses. 

 

Si l'arrivée de la soumission chimique au premier plan médiatique peut nous faire penser que la problématique est récente, la réalité est tout autre. Le phénomène de soumission chimique était déjà notable dans les années 90. « Avec l’apparition de la MDMA on s’est aperçu qu’il y avait de plus en plus de soumission chimique avec ces produits-là » développe-t-elle. En 2000, le centre de sécurité du médicament a demandé aux compagnies pharmaceutiques de colorer le Rohypnol, un liquide translucide aux propriétés sédatives. C’est une mesure dont l'efficacité est relative, mais qui montre une véritable prise de conscience des autorités.  

 

Le GHB, qui occupe un espace médiatique conséquent, est peu représenté dans les cas de soumission chimique. « C’est le produit qui est utilisé le moins souvent. Il y a des tas d’autres produits comme des anxiolytiques ou des drogues de synthèse qui sont bien plus répandus », affirme Servane. La situation est donc d’autant plus complexe qu’une multitude de substances sont utilisées. « On peut s’en procurer facilement et en créer de nouvelles », ajoute-t-elle, ce qui rend les solutions de prévention rapidement inefficaces. Ce fait doit pousser à la prudence : la majorité des astuces pour repérer la présence de drogues dans son verre sont inadaptées.



Comprendre le problème 

 

Plusieurs cas de piqûres à la seringue ont été recensées en Meurthe-et-Moselle, mais la Moselle n’est pas épargnée par la vague de cas. « On a déjà eu un ou deux témoignages d'affaires avec des piqûres », nous apprend Servane. Si les cas les plus médiatisés ont eu lieu lors de grands événements, à l’image de la fête de la musique, ce n’est pas le cas de l’intégralité des occurrences.  

 

« Il ne faut pas oublier que la soumission chimique existe dans les bars et les boîtes, mais par piqûres, on peut vous planter l'aiguille dans la rue » précise-t-elle. « La soumission chimique existe aussi dans le cadre privé, une soirée chez des amis ou en entreprise, voire même au domicile », développe la membre du collectif. C’est un problème qui ne se limite pas aux lieux qui nous viennent à l’esprit lorsqu'on entend parler de ce genre d'affaires. 



La collecte de preuves est une étape compliquée. « Pour le GHB, et pour beaucoup de produits qui sont utilisés chimiquement,  ça reste dans les urines douze heures et six heures dans le sang », détaille Servane. Il existe la possibilité de procéder à des tests capillaires, mais ils sont coûteux et nécessite d’avoir porté plainte pour les réaliser sans frais. C’est ce qui a poussé le CHRU de Nancy à lancer un nouveau protocole pour aider les personnes qui pensent avoir été victimes de soumission chimique. Il est possible de venir se faire tester rapidement et sans avoir besoin de déposer plainte. C’est une initiative saluée par la membre du collectif, qui affirme toutefois la nécessité de changements plus massifs dans la société. 

 

Une pétition existe notamment pour une prise en charge digne, rapide et efficace des victimes. Retrouvez la ici